Création au long cours …

paru dans 7 HEBDO du ‘Républicain Lorrain’
en mars 2008
 

Claude Lefebvre ou la création au long cours . . .

Liaisons plurielles, la dernière œuvre de Claude Lefebvre, vient d’être jouée en première mondiale à Présences, le festival de Radio-France à Montpellier.
Le fondateur des RENCONTRES INTERNATIONALES DE MUSIQUE CONTEMPORAINE
de Metz
est toujours créatif dans son studio de musique de Jouy-aux-Arches.
Dans le paysage sonore actuel, Claude Lefebvre fait figure de patriarche
puisqu’il est issu   de cette génération des créateurs français d’après-guerre,
parmi lesquels Boulez  dont il est en quelque sorte un disciple.
Quarante ans séparent sa pièce Liaisons plurielles, écrite pour choeurs mixtes
a cappella  sur des poèmes allemands et français alternés de Rainer Maria Rilke et Arthur Rimbaud, de sa première œuvre, Montages, créée en 1967,
au théâtre de Metz par l’Orchestre  symphonique dirigé par
Jean-Sébastien Béreau: « Une partie de la salle m’avait sifflé et quelques musiciens
n’avaient pas voulu se lever pour me saluer » se souvient Claude Lefebvre,
qui a fêté dernièrement ses 75 ans avec Radio-Sarrebrück qui lui a consacré une émission.

C’était l’époque où la « contemporaine » était plutôt rejetée par les mélomanes traditionnels. Mais, pugnace, Claude, alors professeur de composition au
Conservatoire de Metz, ne baissa pas les bras. Cinq ans plus tard, il fondait les
‘Rencontres Internationales’, la grande aventure musicale qui draina plus de
deux cents compositeurs débarqués de tous les continents pour assister
à la première exécution de leur œuvre.
Entre 1970 et 1990, les plus grands noms vinrent à Metz et à plusieurs reprises, d’Olivier Messiaen à Pierre Boulez,
de Stockhausen à Xénakis, de Mauricio Kagel à John Cage…

Quelles impressions en avez-vous conservées?

Claude LEFEBVRE:  « Une impression brûlante. Un mélange d’angoisse,
de passion, d’amour, d’aventure. C’était l’inconnu. Nous avons fait connaître
tous les compositeurs de l’époque. On parlait du festival messin dans le monde
entier. Ces vingt années de créations font partie de l’Histoire de la musique. Quand Forbach a pris le relais avec ‘rendez-vous musique nouvelle’,
mon action était plus marquée par la proximité de l’Allemagne, elle attirait beaucoup de spécialistes d’outre-Rhin. »

Quel regard portez-vous sur la création actuelle et quelle différence faites-vous avec la période antérieure?

« Avant les années soixante, l’oreille avait plus de mal à assimiler
les recherches opérées durant la période sérielle et post-sérielle,
où l’univers sonore était moins perceptible et les œuvres plus difficiles à intégrer.
Puis, vers les années soixante-dix/quatre-vingt, une évolution s’est opérée
et Stockhausen, par exemple, a ouvert des voies nouvelles en matière de musique acoustique
et électroacoustique. Le public s’est habitué aux sonorités qu’il trouvait au début moins perceptibles, pour ne pas dire rébarbatives, et s’est
accoutumé à cette évolution musicale d’une accessibilité plus aisée. »

Une création mondiale aux Prémontrés, où en est-on aujourd’hui dans les mutations qui se sont opérées depuis vingt ans?

« Cette accessibilité s’est poursuivie. On revient à la mélodie, au tonal, à la simplicité, au langage direct, aux courants très diversifiés. On est dans un horizon très ouvert où les langages sont différenciés, grâce à l’apport des nouvelles technologies et de l’informatique musicale.
Pour ma part, j’attache beaucoup d’importance aux contrastes entre
harmonies dissonantes et consonantes, aux accords chromatiques, aux phénomènes
de tension et de détente. »

Votre souhait pour l’avenir?

« Aujourd’hui, Metz fait venir des personnalités musicales de l’extérieur pour organiser des créations ponctuelles. Or, à mon avis, dans une région comme la nôtre, on doit en révéler les forces vives, les faire émerger, et ainsi développer le phénomène de la création à partir de ce réservoir régional.
C’est cela, la décentralisation culturelle. »

Quelle est la particularité de vos pièces prévues bientôt en création mondiale?

« La première, Tournoiements, sera créée prochainement à Paris par
l’Ensemble Intercontemporain. Il s’agit de sept pièces enchaînées qui s’appuient sur un recueil de Pensées poétiques que j’ai écrit:
Cri des arbres, En plein midi, Attaque-vertige, etc.
Elles ont la particularité d’avoir été conçues pour une formation qui n’a jamais été explorée,
la trompette associée au quatuor à cordes. »

L’autre projet est, lui aussi, très particulier?

« Il part de l’idée de mettre en perspective musique et peinture, en
collaboration avec un artiste-peintre, Didier Grasiewicz, d’après ses ‘Carnets de Chine’. Cette exposition-concert sera créée par l’Ensemble Stravinsky sous le titre » L’oeil écoute,  aux Prémontrés à Pont-à-Mousson. »

Georges Masson
Critique musical

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